Textes de François

Texte de François n°8. Janvier 2023

prose n°8

Comme le survol de l’Aigle au dessus de nos vies

On n’est pas sérieux quand on atteint 80 ans !

Et pourtant, me croirez vous ? Ce grand âge me pousse enfin à une certaine sagesse. J’ai donc beaucoup à apprendre des textes anciens qui reflètent d’autres conceptions du monde que celles de notre vieille Europe. Ayant encore quelques temps à perdre, je me suis attardé sur une civilisation en voie de disparition mais dont les traditions orales ont été collectées et traduites par un ethnologue dans un recueil intitulé « Sagesse des indiens d’Amérique ».

Du haut des collines de ce bon saint martin, je contemple six petits nuages blancs qui se succèdent étrangement dans le ciel. Ils représenteraient les six messagers bienveillants, qui, au cours de ma longue vie, m’ont donné la force d’ouvrir de nouvelles portes. Vont-ils enfin percer pour irriguer à nouveau mon esprit affaibli ? Un sorcier agite sa fourche de sorbier pour raviver les sources enfuies dans mon jardin secret.

Hi, ha, hi, ha, ho ! Hi, ha, hi, ha, ho !

C’est la danse de la pluie,
tape, tape , petit homme blanc,
tape, tape sur le sol,
cherche en chantant ta mélopée,
avec qui a débuté ta propre genèse !

Autant qu’il m’en souvienne, à la sortie du grand conflit mondial, mon adolescence se complaisait dans une sorte de léthargie molle ! Mes parents m’offrait un enseignement de qualité, mais je me laissais aller à la facilité ; peut-être préférais-je l’obscurité de l’esprit à une curiosité par trop risquée ? J’étais encore une transparence, à tout le moins un vague brouillon ; mais qu’allais-je donc devenir ???

Certes, j’avais un bon coup de crayon qui faisait dire à mon père que je pouvais être un jour professeur de dessin. Mais dans ce lycée huppé, cette seule qualité fut jugée insuffisante et je fus orienté avec humour vers la voie technique, moi qui ne savais rien faire de mes dix doigts ! Survint alors, du bout de l’horizon, mon premier nuage bienveillant. Seul, comme pour beaucoup de cancres, le professeur d’éducation physique décela en moi quelques capacités motrices et me fit connaître un jeu de vilains : le Hand-ball. Mon « je » s’est formé initialement par ce jeu. Un jeu d’équipe qui vous oblige à vous coordonner avec les autres , à vous affronter à d’autres équipes, à mettre en place des stratégies, à se préparer physiquement et moralement. Ce professeur nous a appris à gagner ensemble mais aussi à perdre et à souffrir ensemble face à l’adversité. Surtout, pendant cinquante ans, ce sport devint un levier de communication sociale avec les populations des villes dans lesquelles j’ai pu travailler. Avec leurs adolescents, je devenais entraineur, manager, leader… Capitaine , oh, mon capitaine ! Mais c’est mon frère, beaucoup plus polyvalent que moi, qui devint « prof de gym ». Ha ! Ha ! Ha !

Hi, ha, hi, ha, ho !

Dans ce chant incantatoire, je crois entendre une voix venue des hautes sphères, « tu ne parles que de ton corps, encore et encore ! Mais où en es tu des forces de l’esprit ? » Un jeune abbé me conduit à travers les brumes religieuses. Devenu sensible à la vie de groupe, j’entre enfin en mouvement en adhérant à la jeunesse étudiante chrétienne. J’entends l’appel de Dieu ! Je deviens plus ouvert aux messages des prophètes et cherche à comprendre leur sens caché. Puis je me donne pour mission de les transmettre et de les traduire à mon groupe d’appartenance. Pauvre enfant que je suis ! Pauvre aveugle ! Je ressens plutôt le pouvoir des mots sur quelques uns de mes amis d’alors. Certes, c’était pour servir une cause généreuse, mais on peut si facilement conditionner un homme. « Il est triste de voir les gens tenter d’uniformiser les autres. Nous sommes comme les fleurs sur le Terre, ce serait si ennuyeux de sortir de chez soi et de ne voir que des pâquerettes » disait chef Joseph, dit « nez percé » de la tribu des Mohawk. Heureusement, j’étais piloté par ce jeune abbé, chargé du même élan que moi mais en capacité de canaliser ce jeune influenceur que j’étais alors devenu. « Alors, tu veux vraiment devenir curé mon fils ? » Me demande mon père qui suivait de loin toutes mes pérégrinations intellectuelles. Par chance, on ne veut plus de moi au lycée des nantis, on ne reconnaît pas ces grandes richesses qui végètent encore en moi.

Hi, ha, hi, ha, ho !

On se retrouve donc, mon frère et moi, internes dans un petit lycée d’état (mixte quand même) dans une petite bourgade des environs de Valenciennes. Un lycée à dimension humaine, dirigé de façon artisanale, animé par quelques professeurs romantiques, amateurs de musique, de peinture, de cinéma, de culture au sens large, voulant faire partager leurs connaissances et leurs passions à nos esprits encore incultes. Nous y avons fait notre place, nous y avons construit notre identité. Je ne remercierai jamais assez, mais un peu tard, la troisième personne qui m’a révélé les « écritures ». Une professeure de littérature d’origine corse qui m’a fait connaître les grands auteurs. Nul en matière scientifique et fier de l’être, je faisais les fonds de classe en ressassant l’échec de l’éviction du lycée précédent. Toutefois, je captais au vol quelques signes et interpellations de la « p’tite prof », il me plut d’y répondre, de temps à autres, puis plus souvent, puisqu’elle m’y autorisait. Peu à peu, je lâchais le radiateur et remontais, jour après jour, les rangées de la classe. Je saisissais les problèmes humains posés par ces couples d’un autre siècle, leurs amours, leurs turpitudes, leurs rêves. Je devenais ainsi, je crois, un interlocuteur valable à ses yeux. Rabelais, Racine, Molière, La Fontaine et les modernes, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine commençaient à faire leur trou dans ma petite tête.

Hi, ha, hi, ha, ho !

« C’est ainsi, je ne peux pas me faire tout seul ! »
*« oiseau volant » de la tribu Mic Mac.

Alors, j’ai rencontré un professeur de philosophie contemplant le monde d’ici bas perché sur mon quatrième petit nuage. Ce professeur de terminale, rigoureux, n’a heureusement rien terminé. C’était plutôt le début des grandes réflexions, des introspections, des analyses, des joutes verbales. Il fallait décortiques les textes, comprendre les arguments développés, mais sans jamais se laisser aller à l’adhésion inconditionnelle, à une seule théorie. Thèse, antithèse, hypothèse un, hypothèse deux, « mais surtout François ! En synthèse, contente toi de donner ton simple avis avec humilité. Que ta conclusion ne devienne pas une nouvelle vérité première qui s’impose d’évidence à tous. »

Car c’est ainsi que des gourous se sont introduits dans la grotte, souvent ils dirigent les princes sans qu’ils s’en rendent compte et dirigent ainsi les peuples, parfois même jusqu’à la guerre !
*Réflexion inspirée du chef « Elan Noir » de la tribu La Kota.

« Ecoute moi bien mon fils, au vu de tes qualités indéniables, tu ne peux pas devenir pharmacien, apothicaire ou guérisseur comme moi. Mais que veux tu donc ? » « Moi, je veux être directement utile aux autres, aux enfants qui n’ont pas eu notre chance, aux handicapés comme ma petite sœur ! » argument sensible et retenu. « Tu seras donc éducateur ! » me dit enfin le Pater familias sur son lit de mort en feuilletant avec moi la liste des écoles de formation. Ma première sélection se solda par un échec cuisant, ils avaient dû mal interprété mes tests de Rorschach et la jolie psychiatre me trouvait par trop immature affectivement et sexuellement ! Alors, si on ne peut plus rêver ? Quelques années de stages pratiques en maisons d’enfants, cas sociaux et délinquants, m’ont remis les pieds sur terre.Ces institutions laissaient peu de place au romantisme. Les jeunes équipes débutantes fonctionnaient à l’instinct, sans référent pour les guider, jours et nuits, face à des groupes d’enfants perturbés. Pourtant, les écoles de formation s’étoffaient de personnels pluri-disciplinaires compétents : psychologues, sociologues, médecins, mais aussi artistes et même simples éducateurs de terrain. Je saisissais donc la balle au bond et m’engageais dans cette équipe en rodage.

Hi, ha, hi, ha, ho !

Mais qui sera mon cinquième grand inspirateur ? Le hasard, mais es-ce vraiment lui ?, a mis sur notre route un éthno-antropologue (bigre !) qui avait déjà gérer des groupes de formation et qui nous a apporté bien des éclaircissements avec son humilité non feinte. C’était un phare pour nous tous. Il était le fils destiné à la prêtrise, comme dans beaucoup de grande familles du nord, mais il voulait connaître la vraie vie. Je l’ai donc accompagné dans sa famille, dans un village du Ternois, pour l’aider à annoncer cette nouvelle effrayante : « je quitte la prêtrise, mais pas Dieu, rassurez vous ! ». Il avait quand même rédigé une thèse de doctorat de trois cent pages sur la sexualité, signe précurseur de faire couple, ne croyez vous pas ? Nous avons mis en place les mesures de formation dites d’adaptation rendues obligatoires par les nombreux personnels sans diplôme des institutions du Nord – Pas de Calais. Face à leurs résistances légitimes, nous avions adopté une méthode particulière : sur un sujet qu’ils avaient majoritairement cautionné, nous organisions la semaine de formation autour de plusieurs intervenants de disciplines différentes et parfois de convictions différentes. Ceci permettait d’avoir plusieurs angles de vue sur le même sujet d’étude. Ce croisement des regards leur laissait le libre choix de leur propre synthèse.

Sagesse des indiens d’Amérique : c‘est en 1492 que les lois de nos ancêtres évoluèrent. De nos jours, des historiens, des anthropologues ont bêché notre terre, ils n’ont pas trouvé de prison, de pénitencier, ils n’ont trouvé aucun asile de fous.

« Dites moi, comment cela était possible ? »
*Phillip Deere au nom du peuple Muscogec et Creek.

Hi, ha, hi, ha, ho !
Hi, ha, hi, ha, ho !

Ce métier de formateur ne pouvait durer qu’un temps . Je voulais retourner sur le terrain des enfants fragilisés, pour expérimenter mes théories pédagogiques avec une équipe de travailleurs sociaux à piloter réellement. J’ai donc animé successivement quatre équipages :
• deux bateaux à voile partant du port d’Etaples, avec des enfants et adultes handicapés sortant d’hospices et hôpitaux,
• Un fameux trois mâts pour adolescents en voie de liberté,
• Un vaisseau amiral pour marins polyhandicapés par la vie.
Dans ces quatre institutions, j’étais le seul pilote à la barre, bien secondé par des lieutenants motivés sachant animer leurs équipes et saisir les vents pour naviguer en haute mer. Mais je n’aurais pu mener à bien tous ces projets sans le soutien d’un médecin pédopsychiatre à la présence rassurante. Je sens encore maintenant l’odeur du petit nuage qui s’exhalait du calumet qu’il fumait ostensiblement en fin de chaque réunion de synthèse d’enfant. C’est mon sixième petit nuage qui s’envole au vent. Il m’a appris à tenir compte des souffrances et des anxiétés des enfants mais aussi des parents et des équipes. Les synthèses hebdomadaires en cercle nous donnaient cette force d’avancer ensemble.

« La vie de l’homme est un cercle de l’enfance à l’enfance »
*Elan Noir d’oglala La Kota, repris dans « Pieds nus sur la terre sacrée ».

Ainsi ai-je trouvé mon chemin grâce à eux car j’ai pu arrimer mon âme à la leur.
« Leurs âmes poursuivent ainsi leur vie »
*Thomas Wild Cat de la tribu shawnee.

Ainsi, la jeune pousse que j’étais est-elle devenue un arbre. Certes, quelques ramures sont devenues fragiles mais les racines demeurent, je l’espère, encore longues et profondes et mon feuillage peut vous apporter quelques fraicheur. Venez donc autour de mon tronc, chanter et danser au rythme des tambours.

Hi, ha, hi, ha, ho !
Hi, ha, hi, ha, ho !

Et toi, lecteur courageux, pourrai-tu retrouver dans ta mémoire les personnes qui ont marqué ta vie ?

Hi, ha, hi, ha, ho !
Hi, ha, hi, ha, ho !

Car depuis le début des temps, les tambours battent les rythmes du monde.
*Jimalee Burton (tribu cherokee).

Texte de François Lespagnol dit « Bec Blanc », en hommage aux grands Esprits qui m’ont inspiré. :

1. Mr René Pruvost, professeur d’éducation physique à Valenciennes
2. L’abbé Kentric, délégué des lycées du Valenciennois
3. Mme Fortunati, professeure de littérature au lycée de Le Quesnoy
4. Mr Gauchet, professeur de philosophie au lycée de Le Quesnoy
5. Mr François Rollin, formateur à l’école d’éducateur de Lille
6. Mr le docteur Reyns, pédopsychiatre à l’hôpital de Saint Venant et vacataire en maison d’enfants

mais aussi :
• Mr Betremieux, professeur de dessin à Valenciennes
• Mr Armand, professeur de musique à Valenciennes
• Mr et Mme Graverol, directeur du lycée de Le Quesnoy

« Sagesse des indiens d’Amérique » édition « table ronde » 1995, textes rassemblés par Joseph Bruchac.

Texte de François n°7. Avril 2022

MES DEUX SŒURS : la guerre et caetera

Le doux printemps reviendrait il enfin sur le Nord ? Pourtant, les miasmes épidémiques réapparaissent par vaguelettes, et transforment nos rythmes de vie : difficile de rester positif ! D’autant qu’une ombre plane sur l’Est et réveille des souvenirs pénibles transmis par nos parents et grands parents. Les loups s’approchent de nos frontières et plongent à nouveau les populations dans la peur, l’exode et la fuite éperdue. Mais comment les enfants que nous fûmes ont-ils vécu ces moments de tension et de frayeur ; comment ont-ils simplement survécu dans les méandres de la guerre ???
Bigre mon François ! Ne te laisse pas de nouveau envahir par la sinistrose ambiante ! N’as tu pas appris, avec les enfants perturbés que tu as côtoyés, a changer d’angle d’approche ? Malgré leurs avatars, rechercher leurs forces, leurs potentiels enfouis ; les mettre en synergie pour reconstruire un chemin, leur permettre ce qu’on appelle maintenant la Résilience !
Mes deux sœurs aînées ont vécu comme tant d’autres, cette période annonciatrice des malheurs du monde dit civilisé. Mais peut on échapper aux réalités, où se créer un monde à part dans l’art ou l’imaginaire ; quelques films me reviennent en mémoire : jeux interdits, la vie est belle, Hope ans Glory ou la guerre à hauteur d’enfant !
D’abord, il y eu ma sœur Yolande née dans l’entre deux guerres, mais sans savoir que la deuxième arriverait brutalement dès son adolescence. Sur les premiers films Pathé baby tournés par notre père, elle respire la joie de vivre. Enfant encore unique, issue d’un couple improbable entre un pharmacien nouvellement diplômé et une petite postière accorte et sympathique, prête à l’aventure d’un mariage d’amour.
Ils s’installent a Cousolre et Yolande se révèle particulièrement douée pour les études. Toutes les attentions sont concentrées sur elle... Mais, dans le Nord de France,l ’on comprend que la déferlante militaire dépassera vite les pays limitrophes. Il est temps d’évacuer vers des lieux censés être plus calmes, autour de Rouen en Seine Maritime.
Quitter le cocon d’origine, pour s’installer avec le minimum, essayer de reconstruire, observer le monde tel qu’il peut devenir !!!
Au début, comme peut le vivre un enfant, Yolande allait se baigner dans la Seine. Elle assistait en douce aux séances de cinéma autorisées plusieurs fois dans la semaine par l’occupant. Elle se créait ainsi son monde bien à elle. Elle déambulait dans la pharmacie de la rue Gros-Horloge au milieu de la population fragilisée par les carences, et côtoyait prudemment les envahisseurs en terrain conquis, mais montrant encore Patte Blanche. Pourtant, la pharmacie était réquisitionnée et contrôlée pour le bien être de tous, disaient ils.
Mais, les tensions se font plus vives ; les bombardements sur les côtes normandes s’intensifient, elle assiste aux exactions sauvages de la soldatesque dans les villas de Sotteville ! Mais surtout, ne pas réveiller la Bête ! Et essayer de survivre au mieux.
C’est à ce moment, que la grande surprise arriva : maman attendait un enfant !!! En pleine guerre !!! Mais, comment avaient ils fait ? L’enfant unique allait avoir une petite sœur, onze ans après ! Quel bonheur ! Le bassin de Maman s’était remis à l’endroit a la suite d’un accident de voiture nous a t’on dit ?
Malheureusement, les conditions d’accouchement furent telles, que la petite en fut handicapée sérieusement, avec toutes les conséquences matérielles et psychologiques afférentes. Les parents d’enfants handicapés me comprendront à demi mot : je ne rentrerai pas dans les détails scatologiques, mais ma mère et ma sœur, Si ! En plus, il fallait adapter sa nourriture, fuir sans cesse les bombardements intensifs de nos alliés, et cavaler dans les abris et les caves, une vie très sportive !!
Et le bassin de Maman se mit de nouveau en route, pour notre plus grand bonheur : un petit frère par an, sous les bombes, on s’éclate !! Heureusement,ces deux garçons semblaient plus ou moins normaux ; ce qui signifiait qu’il y avait deux bouches de plus a nourrir et deux petits derrières a nettoyer tous les jours : les lessiveuses bouillaient a plein régime.
Le père devait donc passer les lignes, pour aller chercher de la nourriture dans les fermes : œufs, lait, légumes, très occasionnellement un lapin ou un poulet, parfois généreusement offert en échange de médecines, mais le plus souvent à prix d’or, "Il faut qu’il y aille, car les petits enfants ont faim".
Pour couronner le tableau, la pharmacie fut entièrement bombardée, à une centaine de mètres de la cathédrale épargnée par miracle, merci mon Dieu ! Et mon frère échappa a la mort grâce aux antibiotiques amenés par les Américains, merci mon Dieu… Enfin,du corned beef, du chocolat, des chewing-gums et du Jazz, encore merci pour tout !
On a plus rien ! Alors on rapatrie sur Anzin, ancienne ville minière, dévolue à la reprise intensive de la métallurgie. L’usine de 5000 ouvriers embauche un pharmacien salarié et nous loge a proximité de la clinique mutualiste. Nous vivons donc au rythme des entrées et sorties d’usine, aux bruits sourds des fonderies dans la nuit, à la résonance des cris des grévistes de la première heure, aux chants de beuverie des jours de quinzaine dans les multiples cafés de la rue Jean Jaurès, aux cris du vitrier qui passe dans sa carriole tôt le matin… La vie quoi !!
Le monde respire enfin : les avions qui virevoltent en parade ne font plus peur, on peut manger toutes les tartes à mémé, qui gonflent au dessus des armoires, des pommes de terre au lait, une orange a Noël, et obtenir quelques tickets d’essence pour se rendre sur la côte d’opale en plusieurs étapes… Que c’est bon, la liberté, La Li Ber Té !!!
Ma grande sœur reprend avec succès ses études supérieures, et devient professeure de français latin grec au lycée Watteau de Valenciennes. Mais jamais elle n’envisagera sérieusement de s’associer avec un homme. Elle en avait trop vu, disait elle, et pas des meilleurs !! Elle se contenta donc si on peut dire,d’aider notre Mère passablement choquée par cette expérience de vie et de mort.
Notre petite sœur s’était stabilisée, si bien qu’un essai de scolarité fut engagé à l’école des sœurs rattachée à l’usine Lorraine Escaut. Les deux frères se sentaient chargés de sa garde rapprochée, car les enfants sont parfois durs avec ceux qui leur paraissent sortir de leurs normes. Mais notre Mimi était trop sensible pour supporter les regards et les gestes inappropriés.
C,est donc notre mère grand, zelia, Mathilde, myrtille, clémence, Deschamps, ancienne institutrice, hussarde de la République à fort tempérament, qui entrepris son enseignement a force de patience, de méthode, et d’affection. Mimi devint ainsi capable de me faire répéter mes leçons de géographie, et de tenir le calendrier du mois de toute la famille : rendez-vous , programme de télé, médicaments des uns et des autres, heures de retour des frères en goguette : nous étions pistés avec un amour évident.
Elle se découvrit d’autres richesses artistiques : elle brodait ainsi pendant de longues heures, des tableaux et napperons qu’elle nous offrait ensuite pour décorer nos intérieurs familiaux. Elle tenait à jour scrupuleusement les albums de famille, et les annotait de dates et commentaires qui nous ont bien servi lors de nos reconstitutions mémorielles. Enfin, elle pouvait se mettre à chanter de grands airs d’opéra et tenter quelques vocalises haut perchées ; elle a donc sans doute influencé ma vocation tardive de Ténor à la chorale chante joie.
On aurait pu croire que ses handicaps la limiteraient à la maison, que non point !! Elle participait avec nous aux activités piscine. Comme beaucoup d’institutions patriarcales, l’usine revendiquait sa vocation sociale : une mutuelle, des écoles, mais également une piscine chauffée toute l’année par ses fours et turbines. Elle était située juste en face de la pharmacie, au quartier de la Bleuse Borne, délimitant un ancien carreau de mine.
Un beau maître nageur entrepris son apprentissage de la brasse, puis des quatre nages en deux ou trois ans, lui aussi à force de patience, de méthode et d’affection. Je m’en suis inspiré dans mes recherches de psychomotricien, sur l’apprentissage de la natation auprès des personnes bloquées par un handicap, ou simplement par la peur de l’eau.
Quand notre père s’est éteint, et que nous partîmes construire notre vie,l es trois femmes vécurent ensemble de longues années, en se construisant leur bulle de protection. Yolande,une femme de tête telle qu’en bâtissent les guerres, tenait les rênes de la maison ; elle se voulait dépositaire des vertus cardinales de la famille. Mais,c’est Mimi qui assurait les liaisons sociales, et mettait de l’huile sur les différences d’appréciation des uns et des autres. De par son caractère enjoué, elle se révélait médiatrice dans nos relations parfois difficiles entre belle mère, grande sœur et frères accaparés par leurs responsabilités.
Il faut reconnaître avec grand recul, que les garçons de notre génération étaient plutôt privilégiés : ils pouvaient échapper aux exigences de la quotidienneté pour se consacrer à leur carrière et a leur vie personnelle. Car le Mâle est en eux, et ils leur semblaient naturel d’en conserver quelques avantages ?¿ ???
Mon ami philosophe, me disait que "leur sororité avait compensé les angles morts de la fraternité" : je veux bien y réfléchir !!
Il n’empêche que je retiendrai plutôt les leçons de Mimi.
Apprends à sourire au milieu des pleurs. "Apprends à égayer le noir, à colorer le blanc, à mettre du pastel en nous pour un moment ".


Au bois dormant, me suis éveillé.


Après deux mois d’endormi doucement, mes travaux d’Hercule à cul_mulet, vont s’achever.
J’ai cultivé mes jardins, arrosé les roses pour qu,’elles éclosent, et cent fois remis l’ouvrage.
J’ai retrouvé Dame Nature... l’oiseau aussi que va, que vient, que vole.
Le soleil, fidèle a ces rdv impromptus, se couche enfin, épuisé !
Alors, je regarde ma mie danser jusqu’à plus soif ??
Spectateur assidu et ravi, je terminé harassé, mais aux anges !!!
Ma messagère envoie ses hirondelles à la violette, par delà monts, mers et merveilles, et les accueille au petit matin, pour découvrir leurs réponses d’amitié... Lorsque le vent du Nord se fait pressant, je tente des mises en ordre qui m’échappent aussitôt, les philosophes assis, les historiens les sociologues et romanciers ne peuvent rien face à ma relecture des œuvres complètes de chante-joie, chante la joie !!!
Voyages, voyages, émissions et réceptions, je dénoue les fils de laine enchevêtrés de la chorale.... certains me comprendront, d’autres non dixit Thérèse, mais mon œil glisse imperceptiblement vers le répertoire des chants polissons et fripons, je les peau-lisse et les relie ; je lézarde et musarde en rond, petit patapon...
Mais au bi du bout de ce parcours, me vient une subite peur de l’infini.
Que faire, misère, je me désespère !!!
j’ai redécouvert l’intime trop vite oublié, et maintenant, les portes se sont entrouvertes ??? je passe un œil ???
L ’aventure commence à l’Aurore, à l’aurore de chaque matin.

François (23/04/20)


l’ Esprit de nos mères

Le joli mois de mai, m’incite de nouveau à la prose,car du haut de mes Hurlevents, souffle l’esprit de nos mères.....
Hop dès le matin, j’apporte naïvement le café au lit de ma belle endormie.
"Par ce vent mauvais, que vas tu faire de ce jour sans fin ?? me dit elle benoîtement
"Mais, j’ai déjà rangé nos photos,nos disques,nos livres et nos chants. J’ai retrouvé les fils de nos générations précédentes, au travers de leurs histoires, de leurs guerres,de leurs terroirs, de leurs hymnes de révoltes,de leurs chants a boire et a pleurer, de France, de Navarre et d’ailleurs.
"Mais, ne pourrait-on ranger les menus que toutes nos grands mères, mères, compagnes,tantes, et amies nous ont transmis en héritage ?? qui sur un coin de table, qui sur un bout de papier, sur le verso d’une enveloppe, ne carte, une fiche,un livre offert"
Bigre, reprit cet animal, en considérant les montagnes de richesses disparates cumulées sur de multiples étagères !!!
C’est Gargantuesque et Pantagruélique !!!!!
Mais ne sais lui dire Non ! surtout avant le repas de fête qu’elle m’avait judicieusement promis en fin d’épreuve...
Justement, je venais de retrouver dans son fond de bibliothèque un parchemin rabougri des œuvres de Rabelais.certes, le vieux François me fut pénible a la relecture, mais j’ai pu y retrouver sens à ma mission :
plaisir des origines de notre langue française, mais aussi plaisir de nos gorges profondes jamais rassasiées, plaisirs qui ont nourri a travers les siècles, nos fantasmes, nos images et nos contes. tant qu’on peut déguster et goûter, nos langues seront toujours vivantes : à deux en tête à tête, en famille, entre amis... mets donc des rallonges a table, François..
Des mêmes étagères, j’ai donc ressorti des richesses englouties : terrines, foie de canard, gésiers, porcs et poissons ; mais aussi vins de nos terroirs, vin liquoreux devenus des nul part ailleurs, goût du passé joyeux, offrande d’un ami, retour de vacances, le tout oublié en fond de cave.. que des matières nobles, issues de notre terre, de nos campagnes et de nos côtes, arrosées de sueur et de peine, avec un zeste de tendresse dans la confection et un secret soigneusement gardé pour les générations futures.. on réapprend a vivre a travers les épreuves, on retrouve les jardins, la culture,la cuisine,l, attention aux autres. foin de ces nourritures terrestres sous cellophane, plastique et métal !!!!
Enfin, j’en arrive a la section fromages Et desserts
Mon esprit divague car la faim me tenaille : mais quel fromage servir avec ce vin de France ? amène moi donc un quignon de pain et du vrai beurre des Hauts de France, issu des mamelles de nos vaches nourries a l,’herbe fraîche du printemps !! manque une gorgée, manque une noix de beurre, manque une miche, encore un gorgeon pour faire l’appoint ; mais quand s’arrête t-on m’a mie ???? vivement les desserts, à la cassonade, au Papin, au miel ou a la chicorée, café et pousse café.... Alors ??
D’aucun, a la mémoire encore vive malgré les embruns, lance un refrain repris a la cantonade. A gosier forcé,sans nuances subtiles, il claironne des roublardises comme un gaillard d’avant, Matelot !! d’autres se débraillé y et se déboutonnent !!!
La sieste est proche....
Je plonge dans les délices...
Je sombre dans le nirvana.
Que c’est épuisant de ranger des générations de menus accumulés.

François (01/05/20)


Les livres de mon père.

Je peux vous l’avouer maintenant :

Il n’y a pas que des rats dans les bibliothèques !!

S’y nichent aussi parfois des petites souris en recherche de sources d’inspiration, de souvenirs enfuis,et de croustillances !!!

Nous sommes nés quelque part !!! au pied d’une cathédrale majestueuse, au rythme des bombardements effrayants. Les livres on disparus dans les dispersions, les exodes les vols ou les autodafés ; parfois, on les a simplement laissés dans d’autres rades, pour s’enfuir dans l’affolement,mon Général !!!

Quand le silence revient, la famille recherche un nid au calme,se pelotonne, quête sa nourriture, s’implante enfin, et peut,à l’occasion s’octroyer quelques rêves......

Dans l’arrière salon, les étagères en acajou rouge se remplissent à nouveau de livres reliés de cuir, illustrés d’images pieuses !!! mais l’on se demande pourquoi ce lieu de culte est interdit aux enfants : c’est le salon des secrets.. pourtant, nous aussi on a besoin de lectures et de découvertes édifiantes !!

Alors, subrepticement,à pas feutrés, en minicati, je passe le cap, et j’entre dans la pénombre au pays d’émerveillements......

Attention, j’ai un but précis : je me forge ma nouvelle culture, au rythme de mes émois d’adolescent . toujours aux aguets, à l’écoute du moindre craquement, je parcours fiévreusement quelques pages parcheminées, au hasard de mes doigts vagabonds,,,,,,

D’abord, il y a pierre Louÿs et ses chansons de bilitis oubliées maintenant ; la femme et le pantin repris par Bunuel dans "cet obscur objet du désir" tout un programme ! puis,se présente le divin Laretin, auquel les bourgeois fortunés de Venise commandaient des histoires lestes dans les Regionamenti, inspirés du Décaméron de Bocace... la belle romaine, extraite de la bibliothèque de ma très grande sœur, certifiée en latin et Grec ancien...ces œuvres sont souvent illustrées de gravures numérotées, à bien y regarder de près, loin d’être pieuses !!! enfin, à mon grand étonnement littéraire, des fables commandées a la Fontaine, qui ne racontait pas que des histoires de fourmis et de petits lapins rencontrés dans les allées du château de Versailles..

L’impatient que j’étais, et que je suis encore, apprenait ainsi l’art de raconter les choses de la vie sans dire la chose ; comment l’amour discourtois devait rester courtois ; comment les chansons de gestes devaient s’exprimer sans gestes, à fleur de mots, pour ne pas être démasqué trop vite dirait on maintenant.

Par un accord que je suppose Tacite, je n’ai jamais croisé mon frère..... mais j’ai rencontré mon Père,,,,,,avec une certaine rudesse fortement ressentie sur la joue ; fin pédagogue qu’il était, j’ai eu droit ensuite a un nouveau conte naturaliste : "la rencontre d’un pistil avec des étamines".. .je n’ai pas compris de suite le rapport ??? puis,il entreprit courageusement mon éducation sentimentale en m’inculquant quelques leçons de morale appliquée très approfondies,, peut être ont elles entretenu une certaine culpabilité dans la coexistence tourmentée avec mon répertoire poétique classique.

Au fur et à mesure de notre renaissance, la bibliothèque s’enrichissait des poètes d’alors : Apollinaire, Baudelaire, Rimbaud, qui s’emparait parfois des thèmes et des finesses des anciens.. je pouvais souvent les relier à travers les siècles des siècles, et retrouver ainsi les origines de leurs inspirations. je créais des liens entre eux, des correspondances dans le style, des racines communes..

Dans mon esprit affranchi,les images entremêlent dans cette valse a mille mots, qui m’a fait fantasmer, tourner, et danser toute ma vie, en douce farandole.....

Si tu savais

François


Jazz et Java copains, ça doit pouvoir se faire !!!!!

Comment se forge notre propre culture ? à quelles sources multiples s’irrigue t’elle ? que reste-t-il des histoires,des chansons, des contes et des mythes ailés qui virevoltent dans nos esprits embrumés ?
Quelques bribes de connaissances inculquées péniblement par nos magistères et des livres que nous avons engloutis ? nous n’en retenons que quelques sensations diffuses égarées dans nos mémoires défaillantes.... je me souviens des leçons particulières d’un vieux professeur de musique d’au moins trente ans, désespéré par mon inadaptation au piano, qui me commentait les grands classiques un verre de whisky à la main, dans de grands délires interprétatifs magnifiques... quelques décennies plus tard,ces grands airs n’ont jamais quitté mon subconscient et ressurgissent à l’occasion......
Et puis, à un moment charnière de notre prime jeunesse, s’impose a nous comme une évidence, un courant porteur de mots, de rythmes, de gestes, dans lequel nous plongeons avec ravissement...
Il est "minuit sous couette", j’ai préparé en douce une lampe de poche et une petite radio et j’attends... j’attends "Pour ceux qui aiment le jazz" de Daniel Filipacchi.... En débarquant, les Américains n’ont pas ramené que chewing-gum, corned beef et même antibiotiques, ils ont importé leur musique, fortement influencée par ces peuples issus d’Afrique, entraînés de gré ou de force dans nos guerres blanches maculées de sang et de larmes... Alors, à la moindre pause,ils entonnent leurs chants rythmés et se mettent à danser pour amuser la galerie, mais aussi pour oublier le feu et les cris d’horreur. ils repartent vers leur passé et leurs mélopées montent au ciel pour rejoindre leur famille et leurs ancêtres. Leur blues rejoint mon blues. les rythmes deviennent plus lents : ils évoquent une mère, une femme, un enfant, un déchirement comme ceux qui ont vécu antérieurement.
Nos présentateurs ressortent des tiroirs de commodes les vieux cylindres, les plaques de cire 78 tours, qui portent encore les sons grésillants des pionniers au nom évocateur : Big Bill Brownzy, Jelly Roll Morton, John Lee Hooker, Lightin Hopkins... Il divulguent aussi les enregistrements des femmes , souvent battues, asservies, exploitées, à la voix brisée, et à la mort prématurée, par épuisement, drogues ou alcool, comme Bessy Smith ou Billy Holiday.... Leurs enterrements m’ont toujours fortement impressionné : aux pas lents,lourds et martelés par la fanfare, le cortège s’ébranle ; il chante le défunt et ses aventures les plus rocambolesques, dans un mélange de rires, de pleurs et de cris ; il l’aide ainsi à rentrer dans le royaume de dieu....
Ces fanfares rustiques ont pu parfois se produire en catimini avec les moyens du bord : bandjos, planches à gratter, casseroles et mirlitons, harmonicas et timbales, cornets et claquettes. Même sans connaissance du solfège, elles ont pu évoluer et composer des ensembles orchestraux plus cohérents.Des solistes s’imposent et enregistrent chez les promoteurs blancs, jusqu’ici apeurés par ces musiques de "sauvages". chaque semaine, je suis de près les évolutions rapides de Louis Armstrong and cie... plus tard,les grands orchestres de Benny Goodman, Count Basy, Oscar Peterson, Lionel Hampton, Scott Hamilton, Duke Ellington,,, OK, ok,ok....
Vers deux heures du matin, je ’écroulé de fatigue, avec musiques en tête jusque dans mes rêves.... je me réveille à l’aube, toutes piles éteintes, secoué par ma grande sœur pour me rendre au lycée... Connaissant ma passion, elle m’entraîna plus tard écouter Ray Charles a Lille, et un soir dans une boîte de Jazz "aux Arcades"a valenciennes. il faut dire que s’y produisait un clarinettiste doué, qui faisait partie de l’équipe de pharmaciens de mon père, et qui arrondissait ainsi ses fins de mois. Il devint mon mentor : je lui ramenais les petits 45 tours en plastique que j’avais dégotés chez la marchande de journaux, puis les premiers 33 tours vendus par des disquaires importateurs des richesses anglo saxonnes... Pourtant,les premiers groupes anglais me sont passés par dessus tête. ils se trouvaient supplantés par le rock et la vague des yéyés qui submergeait nos pistes de danse. Je préférais approfondir mes connaissances de la langue Jazzy. il faut dire que les chanteurs et leur groupe ont pu à nouveau investir l’Europe et la France pour des tournées mémorables ; même les valeureux septuagénaires noirs débarquait dans nos villes pour exhaler leurs chants jusqu’au dernier souffle, et nous les écoutions religieusement. Moi même, je cherchais à différencier les sons des instruments pour retrouver l’accompagnement d’une basse, ou le phrasé d’une flûte plus doux que l’éclat de la trompette. Je cherchais a brancher des riffs sur les enregistrements,ou à scatter des onomatopées rythmées sur celles de Ella Fitzgerald ou sur la chorale des Doubles Six.... Passionnant, n’est-ce pas ???
Hélas,la suite de Charlie Burd Parker, de Miles Devis, de Dizzy Gillepsi ou de Coltrane, cette recherche musicale est devenue plus complexe, parfois trop Free et réservée à un public à l’oreille Averty qui en vaut deux. J,ai eu du mal à trouver des interlocuteurs pour me suivre sur ces chemins escarpés :brisures de rythme, foisonnement de notes, projections sonores, syncopes complexes, dissonances proches des musiques symphoniques ??????
Alors !!! la musique du peuple passera t’elle par le Rap ? de prime abord ,j’ai eu du mal à le croire ; cette brutalité, cette rage enfuie s’exprimant par cris, vociférations et invectives, m’apparaissait bien frustré...., et pourtant, la aussi, des pionniers d’un nouveau langage, des artistes du verbe recomposé, ont peu a peu enrichi ces modes d’expression de nouveaux mots, codes,sons et gestes, puisés dans leur imaginaire. Le rapprochement de la danse d’expression leur a conféré un sens plus charnel. Il n’est plus de grands danseurs qui n’amalgament leurs techniques classiques avec les gestuels du Rap. Malgré mes réticences originelles, assister à une chorégraphie mêlant ces jeux du corps et des musiques, me remplit souvent surprises esthétiques fortes, qui portent toujours le même message :
Ne pas se laisser enfermer !!! Jamais


Mes nids d’amour !

Survint comme une évidence, l’impérieuse nécessité de quitter le cocon familial, s’émanciper,, larguer les amarres !!!!!
Je tente l’aventure avec une femme encore plus fragile que moi a l’origine.
On s’installé au dessus d’un vieux café de Valenciennes avec presque rien : quelques meubles en rotin et formica, le lit trop étroit de ma grand mère,et l’édredon en plumes d’oie qui me suivra toute ma vie, comme un tapis volant.
Peu à peu, on se meuble vraiment, on apprend à se connaître avec plus de hauts que de bas, on va au delà des tensions à force d’amour et d’efforts " ré si proches". On se construit pierre par pierre, on devient plus solide et on choisit nos voies.
La même vocation nous relie : apporter aux enfants des autres un havre d’affection quelque puissent être leurs blessures, animer des équipages autour d’eux, pour les vivifier, leur apporter des nourritures, mais aussi, sans doute, se nourrir d’eux en retour de service...
A deux, face aux adversités, on doit choisir un point d’ancrage. Ce sera près d’Etaples sur Mer, dans une petite ville en étoile, la bien nommée Stella plage...
On crée des foyers de vie, on sort les enfants fragilisés des hospices et des hôpitaux, on leur offre des ouvertures, on leur donne quelques rudiments de vie, on leur apprend à s’envoler,p eu ou prou, eux aussi.
De logement de fonction en logement de fonction, la maison de Stella reste notre refuge. On se protège l’un l’autre dans notre hutte, sous le toit de notre chambre mansardée, enfouis sous la couette duveteuse.
Puis vint sa fin...
Et ma retraite en lambeaux !!!!
Seul, au fond de ma coquille, avec quelques émergences en bénévolats "d’hiver", pour servir, mais surtout pour remplir le temps qui passe inexorable.
Ne reste que le vide sidérant, les silences du soir....
L’homme est nu... et tangue dans la nuit, accroché au bastingage...
Alors, je m’attache à la beauté des étoiles, et j’apprends du ciel...
Vertudieu !!! Il ne sera pas dit que je me laisserai écraser par cette acharnement !!!!
Une chanteuse fredonne a ma porte, je deviens "le prince qu’on sort" de sa léthargie, elle m’emmène aux rencontres chorale, elle me secoue, je m’ébroue et refait surface peu a peu...
Lorsqu’un ange parfumé passe à nouveau sur Stella, mon cœur soupire, je sors de ma réserve, j’ose, je parle avec quelqu’un, je reprends la barre, je Revie !!!
Le bel oiseau m’accueille en son temple. Nos déchirures se comblent peu à peu... On se rebâtit un monde entre Templeuve et Stella... jusqu’au nouveau drame, à l’identique du premier, comme un sortilège maléfique. Deux ans de galère, à fleur de mort et de vie... je m’assoupis avec elle, au milieu des fils enchevêtrés de son lit de douleurs...
Le dernier souffle, puis plus rien encore et encore, que des souvenirs magnifiques au partage entre chien et chat.
La quille en l’air s’est retournée sur moi....
Marre,Marre, marée noire.
Heureusement,le chant m’a toujours porté vie : avec les enfants des autres, avec mes équipiers, avec quelques amis compatissants.
Boulogne sur Mer devint donc mon deuxième port d’attache.
Je ramasse sur ma route marine, quelques choristes attardés, qui m’accompagnent jusqu’au point de rencontre... On voyage de pays en pays, de port en port, dans toutes les langues et par tous les temps.
Mirage ? Miracle ? deux voix s’accordent à nouveau sur le tard de leur vie, la nostalgie s’estompe et le brouillard se lève.

Elle rentre dans ma danse
On fait quelques pas de côté
On s’invite dans nos tanières
On se séduit a nouveau
On réapprend a se toucher !!!!

Nb : Dieu ! qu ’avec délicatesse ces choses là sont dites ! mais qu’avec ardeur ces choses là sont faites !!
Comme des écorchés vifs, on reste un moment à distance respectueuse entre Stella et Outreau, mais pas trop !
Pourtant, un jour vint le temps de rebâtir ensemble. Nous quittons nos repaires chargés d’histoires multiples, pour tenter de construire notre nid douillet... Nous partons avec nos livres, nos chants, notre doudoune en plumes, et nos fantômes bienveillants...
"On ne ’enfuit pas, on vole, car il suffit de passer le pont"
Accroche toi,ma belle, à cette Liane providentielle, pour atterrir à St Martin... dans sa grande mansuétude, le bon apôtre nous attend sur l’autre rive, les bras grands ouverts.
Vol au dessus d’un nid perché qui surplombe la ville, et s’ouvre sur l’embouchure du fleuve :
Nous voyons la vie d’en haut !
Nous voyons les navires à l’horizon !
Nous voyons la mer au dessus de la cime des arbres
Nous voyons passer les oies sauvages
Et nous chantons, toutes fenêtres ouvertes, et toutes voiles dehors, pour crier au monde notre allégresse !!!!

François. 10 Mars 2021